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Mobilités résidentielles et approche intergénérationnelle de l’habiter en ville

Financeur : Financement Sar-Dyn (Labex Dynamite)

Responsables : Marianne Morange (CESSMA) et Aurélie Quentin (LAVUE)

Dates : 2023-2025

Membres du LAVUE impliqués : Aurélie Quentin

Notre objectif est de comprendre comment évolue d’une génération à l’autre le rapport des citadins à la ville, en tant qu’espace composite de ressources économiques et sociales, symboliquement matériellement lié à des promesses d’inclusion économique et politique. Pour l’atteindre, nous mènerons une enquête comparative à Cape Town, Lomé, Nairobi, Lima et Medellin. Nous y mènerons des entretiens à caractère biographique auprès des ménages, dans des quartiers en pleine transformation, en développant une méthode innovante et inédite d’entretiens inter-genérationnels (voir méthodologie). La comparaison vise à saisir les convergences et spécificités de ces dynamiques dans des contextes de transition urbaine accélérée, nourrie par des migrations, et de démocratisation accélérée ou balbutiante, parfois chaotique, où l’urbanisation a coïncidé avec l’essor d’une forme de modernité et avec des promesses politiques, notamment incarnées par l’habitat. L’objectif est triple : (i) à partir du matériau empirique de première main ainsi constitué, on amorcera une réflexion innovante sur le sens politique de l’habiter en ville, saisi à travers les mobilités ; (ii) l’enquête vise à produire des formes d’innovation méthodologique en enquête qualitatives, un domaine en plein renouvellement ; (iii) en partenariat avec des collègues locaux, on organisera un séminaire international thématique et méthodologique qui permettra de diffuser nos innovations, de discuter nos résultats et d’envisager des prolongements.

Le projet porte sur des mobilités résidentielles porteuses d’une forme de rupture, réalisées à des moments contrastés de l’histoire récente de ces villes. Il s’agit de trajectoires de sorties des townships en Afrique du Sud, de consolidation de trajectoires familiales dans des quartiers d’habitat populaire réguliers et péricentraux, en Colombie et au Pérou, de trajectoires d’évitement des quartiers irréguliers stigmatisés au Kenya, ou de trajectoires de relogement planifié en périphérie urbaine au Togo. Ces quartiers sont réguliers dans leur mode de production et abritent une classe moyenne « flottante », confrontée à un risque constant de déclassement social mais en quête d’insertion sociale et économique. Dans ces quartiers, nous enquêterons auprès de citadins appartenant à plusieurs générations, et questionnerons la manière dont se (trans)forme dans le temps long leur rapport à la ville. Il s’agit de comprendre comment les individus, pris dans un collectif socialisant (la famille, le quartier, la copropriété) construisent une certaine relation à la ville à travers l’habiter, dans des métropoles relativement récentes et en transformation très rapide. L’enquête se structure autour de 3 thématiques :

o La documentation/reconstitution des trajectoires de vie individuelles et familiales et du rapport à l’urbain sur plusieurs générations
Dans ces villes, les trajectoires résidentielles sont marquées par des mobilités campagne-ville et des circulations entre villes à plusieurs échelles. En outre, les familles (au sens large, comprises dans toute la complexité de leur composition et de leurs dynamiques et non pas au sens étroit de famille nucléaire) sont constituées de néo-citadins et de citadin.es né.es en ville, sans que ce clivage ne renvoie nécessairement à des lignes de partage générationnelles. L’enquête vise à questionner les limites de ces catégories et la fluidité de ces ancrages.

o La mise en récit de la ville et de l’urbain dans le récit de la rupture et du changement social
Dans ces villes, l’habitat et l’accession à la propriété privée en particulier sont associés à un discours de la modernisation et de l’inclusion sociale. Il s’agit, à travers une mise en récit de l’histoire urbaine, de questionner la manière dont ces promesses ont été transmises, comprises et intériorisées par les citadins, comment le rapport au politique ainsi produit évolue d’une génération à l’autre.

o La ville comme espace de production des subjectivités politiques
Ni bidonvilles, ni gated communities haut de gamme, deux figures de l’habiter surexposées dans les travaux académiques, ces quartiers ne sont pas des lieux de construction de revendications, ni de rapports de force politique. Emblématiques de vies citadines ordinaires, ils sont rarement abordés sous l’angle du politique, contrairement aux bidonvilles qui posent directement la question de l’appartenance à la société urbaine et du pacte politique (Lanne 2016). Notre enquête vise à rapatrier ces terrains dans le champ du politique en questionnant la manière dont s’y construisent des formes de subjectivité politique. On s’inspire d’une littérature qui explore les liens entre ville et politisation à partir la notion d’expérience urbaine (Boudreau 2009 ; Nicholls et al. 2013, Lemanski 2019). Enquêter auprès de plusieurs générations d’habitants permet d’ancrer la question du politique dans un faisceau de relations, mêlant histoire urbaine sur le temps long, histoires familiales et intimes, et questions concrètes et quotidiennes d’interdépendance entre générations (notamment autonomisation financière et dépendance en matière de logement) (Bertone 2013).