TerriTer traite de la transition écologique (TE) des systèmes agri-alimentaires (SAA). Alors que les SAA, et singulièrement les systèmes d’élevage, sont en crise, qu’ils représentent le deuxième secteur d’émission de GES en France, et qu’ils sont durement affectés en retour par les effets du dérèglement climatique, la TE des SAA parait plus que jamais nécessaire. Le projet a pour objectif final de contribuer à une stratégie territoriale originale de TE des SAA, co-élaborée dans un dispositif délibératif original. Il s’inscrit dans la littérature scientifique sur la gouvernance territoriale des SAA, en plaçant la focale sur les acteurs ordinaires des SAA, relativement délaissés par les recherches dans ce champ. TerriTer se distingue d’une part de la stratégie de TE « par le bas », de diffusion-massification des expérimentations agroécologiques de niche et d’autre part de la stratégie de TE « par le haut », par les mécanismes normatifs mis en œuvre par les politiques publiques européennes et nationales.

La recherche commence par décrire la gouvernance territoriale de l’agriculture, les configurations d’acteurs et les jeux de pouvoir, à partir de deux terrains d’étude dans le Pays Nivernais-Morvan et en Haute-Corrèze, deux territoires marqués par une spécialisation dans des systèmes d’élevage bovin viande en crise. Une première hypothèse (H1) pose que des dissensus entre acteurs des SAA verrouillent la TE des SAA. La question de recherche centrale du projet porte alors sur les effets du dérèglement sur la gouvernance territoriale de l’agriculture. C’est une question originale, alors que la littérature explore les conséquences agronomiques et économiques du dérèglement sur les SAA, mais très peu ses conséquences socio-politiques. Or, celles-ci pourraient être majeures en termes de TE.

Trois autres hypothèses sont explorées pour répondre à cette question.

Des enjeux d’un type nouveau, qui comportent une double dimension à la fois locale et planétaire, émergent dans les territoires, par exemple sur la question
de l’accès à une ressource en eau devenue rare (H2). Les acteurs des SAA se positionnent différemment par rapport à ces « enjeux planétaires territoriaux »,
et le dérèglement climatique contribue ainsi à une recomposition socio-politique de la gouvernance territoriale de l’agriculture (H3). La délibération autour des enjeux planétaires territoriaux permettrait alors de déplacer les clivages et de faire émerger des coalitions d’acteurs favorables à une TE des SAA (H4).

La première année du projet (lot 1) repose essentiellement sur des entretiens compréhensifs auprès des agriculteurs, des autres acteurs des SAA, et des acteurs de la gouvernance. Les résultats sont diffusés auprès des parties prenantes par des podcasts et des posters scientifiques lors d’une exposition de recherche itinérante. La deuxième année (lot 2) prend la forme d’une recherche-action participative, avec l’expérimentation d’un dispositif délibératif de type « mini-public » dans lequel les participants ont pour tâche de co-élaborer une stratégie de TE des SAA pour leur territoire.

TerriTer propose un cadrage profondément original de la question de la TE des SAA. La philosophie représente un apport décisif dans l’exploration de la question de recherche et des hypothèses, dans un dialogue interdisciplinaire inédit avec la géographie, qui demeure la discipline principale du projet. Le projet permet d’éprouver la valeur heuristique du concept novateur de « territoire terrestre », qui représente un apport décisif sur les questions des effets politiques du dérèglement climatique, de l’articulation des échelles locales et planétaires et du dépassement de l’inopérant « penser global, agir local ». Le projet, à travers la mise en place et l’analyse du fonctionnement d’un dispositif délibératif créateur d’une stratégie de transformation des SAA, a pour objectif de faire la démonstration que les « territoires terrestres » sont non seulement un concept descriptif et analytique, mais également une matrice possible des TE à venir.